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Under the Pink

JOURNAL DE BORD OCTOBRE 2012

 



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 Under the Pink..
 Rosemary's Baby..
 Paul's Boutique..
 Age of Adz..
 King of Limbs..
 Blood on tracks..
 Scorpio Rising..
 Scott 4..

     Ça vous rappelle quelque chose ??
    Certains répondront par la chanson de Tim Buckley de début 70 -bravo à eux- tandis que d’autres citeront la reprise éthérée de cette même chanson par Mortal Coil (moins bravo à eux, surtout s’ils me citent la pub Cacharel comme référence).

    D’autres moins concernés par ces références d’un autre âge pourront faire allusion à une chanson sortie au beau milieu du mois d'octobre 92, une bonne scie électro composée par un groupe électro né dans la scène big-beat anglaise (Hacienda, Manchester, la culture acide : vous savez, toutes ces choses que vous n'avez pas connues, et moi non plus ?) …
Cette chanson d’une structure évidente, un cri de femme à mi-chemin entre l'alarme d'usine et l'incantation religieuse, répété en écho jusqu’à saturation du son -et de nos oreilles- est un modèle du genre. Franchement entraînante, elle paraît même évidente, comme si elle avait toujours résonné dans nos oreilles – le propre des grandes chansons…
Le duo auteurs de cette chanson se dénommaient Dust Brothers, nom qu'ils avaient humblement emprunté en hommage aux célèbres producteurs hip-hop américain du même nom (ne jamais oublier cette volonté inaltérable de ce duo à vouloir rendre hommage avant tout, un trait de caractère qui ne va pas les quitter tout au long de leur carrière…)

    Donc les Dust Brothers –qui devront bien vite abandonné ce nom sous la pression des vrais Dust Brothers, peu sensibles à l’hommage – se rebaptiseront cette même fin d'année 92 les Chemical Brothers, et c’est là la genèse d’une belle histoire qui fête aujourd’hui ces vingt ans…

    Je ne vais pas m'adonner dans cet article à une biographie de ce groupe que je respecte profondément et dont je suis l’activité depuis deux décennies, car je n'en suis pas capable (et puis, Wikipédia est très bon pour ça).
    Ce que je voulais plutôt faire, c’est dresser pêle-mêle des souvenirs que ce groupe me rappelle : une vingtaine d'années, des débuts de l’adolescence à un âge mûr (celui qui précède l’âge pourri comme dirait Desproges..), tant de souvenirs, de joies et de déceptions, des chansons que je ne pourrais jamais dissocier d’un contexte (Life is sweet et tous ses avatars), des albums que j’aurais usés jusqu’à leur moindre rainure (Surrender), des interviews et des découvertes connexes (Mercury Rev, The Spiritualized et Mazzy Star peuvent leur dire merci…).

    Je ne pourrais donc pas faire le kaléidoscope de souvenirs et d’émotions que ce groupe m'évoque. J’ai grandi avec, et quelque part, leur musique pourrait décrire toute ma jeunesse. Je ne vais donc ici que relater des faits qui pourront paraître anodins, voire ridicules, mais qui recèlent mille secrets à mes yeux. Une anecdote par année, plus ou moins dans l'ordre (de toute façon l'exactitude dans les dates n'est pas à juger ici..):
  • 1995 : la musique de Wipeout, mon premier jeu Playstation (eh oui ça peut faire rire aujourd'hui mais je n'ai connu que la PS 1) : trois parties, puis arrêt définitif de la console, j’ai alors mis le CD de jeu dans ma chaîne Hifi puis écouté les 4 titres dont deux des Chemical en boucle..
  • 1996 : l'époque des CD gravés pirates qu'on achetait dans la cours de lycée (pour 10 Francs, on se sentait rebel), avec leur pochettes imprimées dans un Noir & Blanc crade et de qualité de gravure aléatoire (durée de vie moyenne: 2 écoutes).. étrangement, Dig your own hole, 2e album du groupe, sera le seul CD gravé (avec Homework de Daft Punk) à resister des centaines d’écoutes, et dont la pochette imprimée est restée à peu près fidèle à l’original: un signe!
  • 2003 : une vendeuse de FNAC, blonde et dreadlocks, qui danse au milieu des rayons sur le single transe (et un peu sortie de nulle part) It began in Afrika : l’image de cette jolie fille en plein trip et faisant abstraction de ce qui l’entoure ne m’a jamais quitté (et me pousse inconsciemment à déambuler dans ce même rayon de Fnac! je sais, c'est minable..)
  • 1999 : La déception à l’entente de Asleep from day sur la campagne de pub Air France (ma foi très joli : c’était Gondry à la caméra), vous savez cette déception qui vous prend au moment où une musique que vous avez adorée va vous échapper, parce qu’une conne de pub ou un con de générique TV va vous le pourrir et le refiler jusqu'à plus soif à toutes les oreilles venues...
  • 2001 : La résonnance entre Out of Control (chanté par Bernard Sumner) et Close Range de New Order sorti dans l'album Get Ready cette même année; à savoir que l'un me donne toujours envie d'écouter l'autre et donc que les Chemical Brothers et New Order (que j'ai à peu près découvert en même temps) seront toujours indistinctement liés
  • 2006, 2008 : deux concerts en festival mémorables.. car étrangement, les Chemical viennent toujours clore des journées de festivals exceptionnelles…
  • 2001, 2003 : deux clips de Gondry, qui sont pour moi ses meilleurs, des histoires d'obsession (l'un sur un son de batterie, l'autre sur la répétition des formes vus d'une fenêtre d'un train) poussés à leur paroxysme par des effets de montage
  • 1997, 1998 : deux voyages scolaires en Italie durant lesquels j'alternais cassette audio de hip/hop et d'électro.. c'était, la première année, Exit Planet Dust qui se disputait à Sad Hill à Rome...  cette écoute autiste a même créé d'étranges associations: pour moi la Fontaine de Trevi n'est pas associée au Nino Rota de la Dolce Vita mais à Beth Orton de Alive alone, et la traversée vers Capri m'evoque plus One too many mornings que la chanson de Hervé Villard...
  • 2000, 2007 : l’album Surrender puis l'album We are the Night, des albums espacés de 8 ans (et à 3 albums d'écart) que je continue d’écouter régulièrement, fidèlement, comme s'il cachait un fabuleux secret (j'y reviendrais à la fin...)
  • 2009 : la chanson The Pills won't help you now, ne serait ce que pour ce petit son électro aigu de 7s à 4mn29, ce son vintage, dont on saisit le geste, la générosité, à vouloir rendre une chanson encore plus ennivrante
  • 2002 : l'écoute au détour d'une compil' de Hot Acid Rythm, un B-side de Surrender qui rappelle qu'à l'instar de tout groupe digne de ce nom, la grandeur des Chemical Brothers se juge dans la qualité de ses faces B (et puis vous ne trouvez pas ça rigolo, un groupe qui passe de l'apologie insouciante de l'acide dans les 90s au moralisme d'un titre qui te dit: "Eh mec, les pilules ne vont pas t'aider, tu sais?".. moi je trouve ça génial..)
  • 2005 : en pleine réécoute des Beatles, je découvre l'influence de Tomorrow never knows sur les Chemical (mais qui cette chanson n'a pas influencé? vous me direz..): depuis, c'est un peu chaque musique du duo qui me semble renfermer une allusion à la chanson de clôture de Revolver (j'y reviendrai aussi plus tard..)

    Les plus attentifs pourront constater que ça ne fait pas exactement vingt anecdotes, étalés sur vingt ans
 Toutefois... cest comme si je les connaissais depuis 92, voire même depuis toujours...
 Le son des Chemical m'a en fait toujours paru simple et limpide: leur volonté de procurer du plaisir est palpable dans chaque morceau, même les plus mauvais... c'est cette évidence joyeuse qu'on leur reproche, car on préfère se dire que le génie musical ne peut naitre que dans la douleur et la complexité (Thom Yorke, si tu nous écoutes...).
Et puis il y a aussi cette façon à toujours rendre hommage à leurs pairs, comme si leur art en dépendait, et qu'il fallait rendre des comptes et épuiser les influences afin de pouvoir avancer. Considérez seulement: Oasis, Mercury Rev, The Charlatans, Flaming Lips, The Verve, New Order, Tribe Called Quest, Quincy Jones, Mazzy Star, Bloc Party, Klaxons, The Magic Numbers, Midlake, Manic Street Preachers, The Spiritualized... ce n'est plus une liste de featuring, c'est le panorama du meilleur de la musique de fin 80 / 90 et 2000....
   Et que dire aussi des clips, dont les meilleurs réalisateurs ont été révélés par les Chemical: Spike Joncze qui sublime sa femme de l'époque Sofia Coppola (dans un clip, Elektrobank qui résume mieux que nimporte quelle oeuvre le mythe de la jeunesse américaine) et Gondry déjà cité au-dessus..


    Et c'est sur ces deux décennies de musique et d'images rendues possibles par l'existence d'un grand groupe anglais que je vais conclure ce trop long article. Je ne vais pas convaincre des gens qui réduisent un style de musique à un "boum chack boum" (alors que ça peut être aussi "boum boum chack boum", non mais franchement...). Je vais par contre revenir à la petite piste évoquée plus haut, peut-être mon dernier recours à vous inciter à (re)découvrir ce groupe.

Comme je disais auparavant, les Chemical Brothers me semblent refermer un secret que je ne saisis pas forcément, à l'image de cette nouvelle d'Henry James, Le motif dans le tapis, où il est expliqué que l'enjeu de chaque artiste est de réussir à créer une soif de quête chez tous ceux qui les suivent. L'œuvre entière doit vouer à dessiner un motif, et pour moi, le motif de Chemical serait inclus dans un dessein plus grand. Alors est-ce le Tomorrow never knows de Lennon? (présent de Let forever be à Setting sun,en passant par le titre Surrender..) Ou autre chose que je découvrirai dans quelques années? c'est un peu comme un film de Lynch: j'ai hâte de le découvrir ou de me fourvoyer encore dans des fausses pistes, la quête étant plus importante que la solution elle-même...