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Sufjan Stevens
The Age of Adz
Sufjan Stevens

11.The Age of Adz

Sufjan Stevens
Folk
Asthmatic Kitty   (Album Original )

Etats-Unis  10/2010

Un personnage mystérieux ce Sufjan Stevens (un peu creux aussi, en interview) mais ô combien talentueux...
  
 


 



1. The Beatles..
2. The Velvet Undergrou..
3.  Godspeed you Black ..
4. The Magnetic Fields..
5.  Pulp..
6. The Clash..
7. The Beach Boys..
8.  Lou Reed..
9.  Andrew Bird..
10. The Stone Roses..


12. The Kinks..
13.  David Bowie..
14.  Nick Drake..
15. The Nice..
16.  Bjork..
17. The Left Banke..
18.  Bob Dylan..
19.  Radiohead..
20.  Silverchair..
21.  Sagittarius..
22.  Patti Smith..
23.  Blur..
24.  Serge Gainsbourg..
25.  X..
26. The Smiths..
27. The Zombies..
28.  Bran Van 3000..
29.  Brian Eno..
30.  Jonathan Richman..
31. The Mamas & Papas..
32. The Doors..
33.  Sonic Youth..
34. The Arcade Fire..
35. The Apartments..
36.  Pink Floyd..
37.  Neil Young..
38.  Depeche Mode..
39.  Tindersticks..
40. The Stooges..
41.  Jorane..
42. The Sonics..
43. The Pixies..
44. The Chemical Brother..
45.  Air..
46.  Van Morrison..
47.  Daft Punk..
48.  Bruce Springsteen..
49.  Television..
49.  Van der Graaf Gener..
50.  Ratatat..
51.  MGMT..
52. The Moody Blues..
53. The Sparks..
54. A Silver Mount Zion..
55.  Love..
56.  Soulwax..
57.  Chris Isaak..
58.  Belle & Sebastian..
59.  Death in Vegas..
60.  Scott Walker..
61.  Elvis Costello..
62. the Beastie Boys..
63.  Tori Amos..

      Parfois, il faut accepter la grandiloquence, ces périodes où les artistes s’égarent et cherchent à exhiber sans demi-mesure tout leur talent et toutes leurs idées en une seule œuvre, en un seul album. Ces moments sont aussi peut-être la seule occasion pour ces artistes de vraiment communiquer avec leur public, de pouvoir leur parler de leur problème et de leur doute. Sufjan Stevens a eu sa traversée de désert avant 2010, trois années sans inspiration après une trop riche première période.
    Il faut dire qu’il aura été trop vite bombardé ‘génie folk’ (un label), le poussant dans des projets qu’il n’a pas pu tenir (son fameux désir de faire un album par état américain : il s’est arrété au deuxième, à Michigan…). A rajouter à cela le fait que les années 2000 ont été au final une période dominée par une folkisation générale de la production musicale (une uniformisation un peu génante avec le recul…) : en cela l’absence de nouvelles de l’artiste n’aura finalement que peu manqué à son public -ou les gens comme moi qui l’appréciaient de loin (j’ai surtout beaucoup écouté le single Come on feel the Illinoise qui m’aura accompagné toute une saison, ou bien son album de Noel pour deux ou 3 morceaux - si si je vous assure !). Pis encore, nous autres, public un peu mouton et respectueux des tendances critiques, étions totalement préparés à voir disparaître Stevens, et le voir remplacé par le nouveau ‘talent’ folk que la presse saura nous dégoter : le énième remplaçant de Dylan ou du Boss, le nouveau Bright Eyes ou Devendra Banhart, celui qui sera oublié -de toute façon- après un fulgurant premier album…

   Sufjan pouvait donc très bien ne plus revenir -ou du moins ne plus se réinventer- sans que cela ne gène personne, certainement pas l’industrie relayée par les médias qui aime avoir une tendance étiquetable sur laquelle elle peut fructifier et bâtir ses (business) plans. Autant dire que le retour l’artiste du Michigan a dû bien les déconcerter, au-delà du fait que l’album est sorti gratuitement sur internet, comme beaucoup d’œuvres majeurs de ces dernières années (Intimacy de Bloc Party ou in Rainbows de Radiohead).
   Age of Adz pour commencer n’est pas un album folk, il n’a aucune étiquette possible. Je ne connaitrai pas la sensation que pourrait procurer ce disque pour quelqu’un qui n’a jamais écouté l’artiste dans sa première période: quelque chose d’inclassable, de pompier sans doute, mais en tout cas qui ne laisserait personne de marbre.

    Stevens n’est pas non plus revenu directement avec cet opus. Il aura préparé ce retour en force par un EP magnifique sorti six mois plus tôt, All the delighted people, où déjà se laisse entendre une sonorité nouvelle. Avec toujours cette belle voix folk, très propre et bien placé dans les aîgues, il y tentait déjà des choses insolites : de la soul instrumental sur Djohariah, du sympahonique spectorien sur la chanson titre, et finalement une inspiration très religieuse pour l’ensemble (From the mouth of Gabriel, un titre merveilleux..).

    Puis est venu The Age of Adz fin de l’année 2010, moins d’un an après cet EP. Pour le coup, l’écoute est moins limpide, moins facile.
    Il faut dire que l’album commence par un petit morceau délicat Futile Device, au titre mérité. C’est sans doute le moment le moins intéressant de tout l’album : le style folk pop gentil fait plus penser à du Syd Matters qu’à l’auteur ambitieux de Sister WinterToo much qui vient ensuite est un morceau plein de bidouilles et de trucs, un peu brouillon au final, mais qui commence déjà à faire sentir tout le potentiel de l’album. Mais toujours pas de mélodie, d’art dans l’harmonie, ce sur quoi Sufjan Stevens a toujours excellé. Puis ça y est, tout devient clair avec le troisième morceau éponyme, Age of Adz, et là, on comprend enfin que Sufjan Stevens est tout simplement devenu dingue: rarement entendu plus prétentieux, plus grandiloquent , avec ces cuivres surboostées, ces chœurs sans aucune finesse, et le tout sur des paroles apocalyptiques… On jurerait Brian Wilson période Smile, mais qui aurait maitrisé les sonorités actuelles, et pas les moins ringardes. Car même si tout paraît de mauvais goût dans ce morceau, on arrive au final à se dire qu’il garde une incroyable cohérence le long de ses sept minutes. Et vu les moyens déployés (cuivre, vocoder, sampler, instruments accoustiques), ça tient véritablement du miracle de tout faire cohabiter sans rendre le morceau inaudible. La chanson fait finalement un peu penser à du rock psychédélique, style Mercury Rev ou Flaming Lips, mais en beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux… Car on comprend désormais l’ambition de Sufjan Stevens: faire le nouveau Pet Sounds (et non pas le nouveau Kid A comme certains ont pu dire).

    Et ceci explique les paroles proche de l’auto-analyse: dans cette volonté de parler d’une genèse (ou d’une apocalypse), l’artiste cherche à composer l’album ultime, celui qui pourra faire rejaillir aussi bien sa cartographie mentale que tout son talent musical, une ambition impossible qui cherche à tout dire en un même instant, un peu comme l’Aleph de Borgès (que Sufjan a cité plusieurs fois dans l’EP précédent), cet angle de vue qui est censé refléter l’univers entier, son passé présent et futur, au point de rendre fou celui qui le voit…
    Et c’est sur cette notion de folie qu’il faudrait bien insister, en vue du contexte : Sufjan Stevens n’a pas traversé une période de creux ou de manque d’inspiration entre 2007 et 2009, mais a plutôt selon ses dire souffert d’un trouble mental, rare… Alors est-ce l’anecdote pour un peu plus accréditer Age of Adz ? Peut-être un peu, en tout cas, les paroles des titres qui se succèdent arrivent bien à faire état de cette réalité, cette condition physique (ou mentale) sur le fil du rasoir...

   Après la grandiloquence assumée de Age of Adz, morceaux après morceaux, l’album se déploie dans toute sa grandeur et sa fragilité.
    Toute chanson apporte sa pierre à l’édifice, son originalité et sa beauté : le syncopée et funk Get real get right et son pont et sa montée finale (ce "Get right with the Lord" qui file l'urticaire à tous les athées bornés sur les forums, tant ils sont incapables d’y lire une image plus qu’un sermon apostolique), les décharnés Since I walked ou Now that I’m older avec leurs vocalises renforcées de chœurs orthodoxes, Vesuvius et sa flute qui rappelle les meilleurs moments de Illinoise

    Puis vient le final, avec ses 2 morceaux de bravoure : d’abord I want to be well, un morceau impressionnant parce qu’il raconte. L’histoire d’un mec qui veut se sentir mieux, mais qui est pétrifé, bloqué dans son corps (par la maladie toujours, physique ou mental), avec ce "Well I want to be well I want to be well I.." qu’il scande tel un disque rayé, telle une incantation qui tourne à vide (la religion toujours), et finalement repris en écho par les chœurs, avant que Sufjan remplace cette répétition par une autre. Un "I’m not, I’m not fukin’ around, I’m not…" comme pour se redonner du courage, comme pour se convaincre qu’il faut continuer. Ce morceau est sans doute le plus beau de l’album. Il aurait pu conclure le disque, et on aurait déjà un des plus grands albums des années 2000. Et non, Sufjan, dans son délire et son inspiration foisonnante peut encore nous pondre un Impossible Soul de conclusion, un morceau de 25 minutes -excusez du peu- qui synthétise l’impression générale que l’album nous a procuré juste avant (soit 50minutes de musique).

    Ce dernier tiers d’album mériterait presque un article à part, pour en extirper toutes les richesses, tous les efforts déployés allant du très gracieux (la mandoline ou guitare accoustique finale) au pire du mauvais goût (la guitare vintage, ou bien le vocoder). Ce morceau c’est aussi un voyage stylistique, forcément inégal, mais qu’on se doit d’écouter jusqu’au bout: on retrouve le folk à la Sufjan Stevens sur les quatre première minutes (le vocoder en plus), avant de passer par un pont psychédélique bizarre, du RnB ou Hip Hop à l’ancienne sur plus de cinq minutes, etc, etc... Voilà un titre qui contenterait n’importe quel artiste, en guise d’album complet, ou du moins d’un EP. C’est un morceau en tout cas qui écrase tout ce qui a été fait jusqu’à présent dans le même genre : les Bohemian Rhapsody ou les Paranoid Android paraissent bien courts à présent, et même les Echoes de Pink Floyd ou les longs morceau prog de Van der Graaf Generator paraissent bien ennuyeuses après la montage russe que nous impose Sufjan Stevens pour achever son Age of Adz.



    Pour re-conclure ce déjà-très lonnng article, je dirais que c’est un album que je pourrai qualifier de rêvé : c’est en somme le dernier opus de MGMT Congratulation auquel on aurait rajouté de la vie et de l’émotion. C’est aussi un album de Radiohead tendance électro (Kid A ou Amnesiac) mais en moins abscons, en plus communiquant avec son public (car j’ai beau adoré Thom Yorke & co, j’aimerais bien que vous m’expliquez la majorité de ses paroles : cherche-t-il vraiment à s’adresser à des gens, à être compris?). C’est aussi un album psychédélique de Flaming Lips ou de Mercury Rev qu’on peut écouter d’un bout à l’autre, ou bien un album baroque d’Elliot Smith ou de Rufus Wainwright mais en beaucoup plus digeste. C’est encore Grace de Jeff Buckley mais en moins pénible, moins paresseux... Et enfin (et là je ne pourrai pas faire de meilleur compliment), c’est le seul album qu’on pourrait qualifier de comparable -par l’ambition et le résultat- à Pet Sounds des Beach Boys (déjà cité 3 fois dans l’article, c'est dire).
    Sufjan Stevens a souvent été réduit à un artiste folk tendance accoustique (à la Nick Drake, ou Elliot Smith première période), alors qu’en fait c’était plus du côté de Radiohead, ou du plus génial des frères Wilson qu’il fallait regarder : même folie potentielle, même désir de devenir plus grand que les Beatles.
    Certains passeront à côté de cet album, le trouveront trop pompier pour pouvoir être émus. Mais il faut comprendre aussi le contexte, ce à quoi l’album se réfère et ce à quoi il ose se confronter, pour réaliser qu’Age of Adz mérite de traverser le temps au côté des plus belles œuvres musicales qui aient été composés, tout genre confondu..

A ne pas manquer:
    Impossible Soul
    I want to be well
    Vesuvius
    Get real get right

Si vous avez aimé, vous avez aussi:
    The Beach Boys
    Rufus Wainwright
    Elliot Smith