22.Horses

Patti Smith
Punk Rock
Arista   (Album Remasterisé )
Etats-Unis  11/1975

    Place à la papesse des punkettes, à la meneuse des rockeuses. Rares sont les artistes à avoir autant changer la face du rock, et donc avec elle la manière dont il doit être joué, interprété et réprésenté. Car Patti Smith aura définitivement fait rentrer les femmes dans la noirceur la plus contestataire du rock, au fin fond de la salle lugubre du CBGB. Jamais plus les rockeuses ne chanteront comme avant, désormais, elles ont leur diapason : Patti. Mais au-delà de la figure de proue du « punk avant l'heure », Patti est aussi celle qui aura fait du punk américain, contrairement à son homologue brittanique, quelque chose de poétique, de profondément romantique. Grande admiratrice de Rimbaud, intarissable au sujet du poète et de ses choix, elle est devenu musicienne uniquement par amour, et pour la beauté des textes avant même celle de la musique. En concert, ce sont des cris déchirants, des élégies, des appels à Dieux, qu'elle déclame quasi en transe recroquevillée à genou au coin de l'estrade. Patti a toujours été une artiste habitée, touchée par la grâce, et en attente de la beauté pure du lyrisme et de la musique, cet instant où tout vacille. Elle est plus qu'aucune autre l'incarnation de la femme artiste, joie et douleur confondues, plus téméraire que dix hommes, et plus jusqu'auboutiste qu'un Iggy ou qu'un John Cale, producteur du disque et compagnon sur une version branque et speed de My generation sur cet album. Et quand elle s'est retirée de la scène, ce n'est uniquement que pour vivre une autre étape de sa vie, pleinement encore une fois, à la manière du retrait en Ethiopie du poète français. Patti sera partie vivre loin de tout avec son compagnon, Frederic Sonic Smith, éminent guitariste du groupe pépunk (soit du punk encore plus « avant l'heure » !) MC5 de Détroit, qui mourra au milieu des années 90, période durant laquelle Patti perdra la plupart de ses amies de l'époque, sans compte Robert Mapplethrope, son partenaire artistique de toujours, mort du SIDA en 89. Sans doute que la fascination que procure Patti vient aussi de ce fait : la mort l'a toujours cotoyé, et cela depuis sa petite enfance où sa meilleure amie mourrut de leucémie au même moment où elle déclarait la scarlatine. Des visions, des hallucinations et des cauchemars, en somme son univers, se sont échappées de ce souvenir, et c'est peut-être cette capacité de transfert, à pouvoir transformer le chagrin intérieur, si nocif lorsqu'il ne peut s'extérioriser, en une beauté diaphane, une voix enraillée magnifique, et des textes beaux à pleurer qui la rendent admirable. Oui, je peux encore pleurer à l'écoute de Birdland, de Elegie, ou même de Break it up, car à l'entente de sa voix, il me semble que son chagrin me touche, comme si on pouvait entrevoir l'espace d'une minute tous ces malheurs qu'elle a traversé et auxquels elle a survécu, contrairement aux autres, les malheurs de toute une génération, où drogue et vie artistique signifiaient bien souvent de découvrir la célébrité à titre posthume. Patti, elle, est restée, toujours entière et dévouée, et c'est peut-être d'une certaine manière une plus grande preuve de courage.

A ne pas manquer:
    Birdland
    Break it up
    Redondo Beach
    My generation

Si vous avez aimé, vous avez aussi:
     Television
    PJ Harvey
    Garbage