24.Je t'aime moi non plus

Serge Gainsbourg
Variété française
Fontana  
France  07/1969

    Enfin un Français, réjouissons-nous ! Gainsbourg, par sa productivité, son talent de songwritter et de compositeur, aura traversé trois décennies en ne cessant d'être adulé ou d'agacer, mais jamais en ne cessant de se renouveler, de la grande chanson française à la Prévert/Cosma ou Trenet, sous influence jazz ou java -LES musiques populaires françaises avant la vagues pop des sixties (qui prendra surtout forme en France sous le pastiche yé-yé)- en passant par la composition de kilomètres de BO dans les années 70, avant d'arriver à la découverte du reggae (Aux armes et caetera) lors de son ultime décennie, les eighties pour rester branchés, où il aura étendu son influence sur toute la scène rock française, la faisant enfin sortir de l'ombre (les Rita Mitsouko, Marquis de sade, ces punks qui auront « créé » Daho, Bashung, mais aussi indirectement la prochaine vague des nineties, avec Noir Désir, Dominque A, Miossec et autre rock manouche de Sanseverino aux Tetes Raides… Que de liens généalogiques, les enfants !). Cela est peut-être exagéré d'attribuer à un seul homme, à tête de chou qui plus est, toutes les choses les plus intéressantes qui naîtront du rock français… Mais Gainsbourg avait tous les éléments pour rentrer dans la légende : une attitude désinvolte, de séducteur patenté et pas tentant, aux attirails toujours précurseurs de mode (du costume cintré noir, apparat du rockeur classique, jusqu'au look dépareillé, pantalon court et chemise à moitié ouverte du gainsbarre). Et puis aussi des dizaines de femmes, toutes superbes, pour lesquelles il a composé: Bardot, à son apogée de bombe sexuelle, pour le mythique Initials BB, France Gall dont la véritable innocence –à l'époque- sera mise à mal par le très grivois  Annie aime les sucettes, Michelle Mercier, Mireille Darc, la godardienne Anna Karina, et bien sûr sa femme Jane Birkin, avec laquelle il a composé cet album, Je t'aime moi non plus. Généralement les afficionados ont tendance à préférer l'album concept Melody Nelson, plus original, plus novateur sans doute. Et puis, certes, Melody referme des titres aussi inventifs que la Valse de Melody, ou Cargo… Mais souvent cette préférence se justifie surtout par la place de ce disque dans la discographie de l'artiste, ou à sa place dans l'histoire du Rock français. Premier véritable album concept français (il récidivera moins glorieusement avec l'Homme à la tête de choux), cet album est surtout marquant pour son inventivité, sa facilité à passer de pistes orchestrales à des chansons purement pop-rock ( L'histoire de Melody Nelson). Il n'y a donc pas toute cette originalité dans Je t'aime moi non plus, mais par contre, il est à mon sens la quintessence du style de Gainsbourg des sixties, toujours au meilleur de lui-même quand il compose pour une femme. Car cet album ne regroupe pas moins que le plus sensuel des duos donnant le titre à l'album, mais aussi Sous le soleil exactement, le drogué Anamour, 69 année érotique, Les sucettes, Elisa, et on en passe… Un florilège qui se complète à merveille avec l'album composé pour Bardot, Initials BB, formant avec celui-ci une sorte de best-of idéal (pléonasme ? non, non) de l'artiste dans les années 60.

A ne pas manquer:
    L'Anamour
    Je t'aime moi non plus
    Les sucettes
    Sous le soleil exactement

Si vous avez aimé, vous avez aussi:
    Jacques Dutronc
    Miossec
    Alain Bashuing